Fusillades à Paris ce vendredi 13 novembre

Trois individus en garde à vue. L'un aurait été à Paris la nuit dernière.

Je pense bien fort à vous tous qui êtes si proches (géographiquement) de ce drame... je ne sais même pas quoi dire... ni ce que je pourrai dire lundi...
Je ne sais même pas si je dois en parler avant à mon miniMoi, si sensible et angoissé, ou bien si j'attends que les copains "l'informent" (avec leurs mots) et que je gère la suite... je vais aller regarder les maternelles voir si ça m'aide
Bon courage à vous tous

Reçu un mail de l'IGEM

igem a écrit:« Rappeler que le Quoi de Neuf est un lieu d'accueil de la parole.
Laisser parler les élèves en faisant attention aux propos déformés, limiter l'intervention dans le temps, quitte à en reparler ensuite dans d'autres circonstances. »
« Être vigilants par rapport aux élèves qui ne disent rien. Profiter de la récréation pour leur parler. »
« Maitre mot, rassurer les élèves, parler des drapeaux en berne, parler de ''fous'' sans rentrer dans des explications car ils se tuent eux mêmes. Qui nous protège? Des militaires des policiers des gendarmes des juges. Il faut se sentir forts et ne pas céder à la peur. »
« Éviter la stigmatisation parler de la solidarité de tous les autres pays et des français. Rappeler qu'il n'y a pas que la France qui a été touchée. »
« Par rapport aux flots d'images dire que l'on n'a pas besoin de décrire les images pour comprendre. Impératif! Ne pas laisser exposer les horreurs des images! »
Libérer la parole mais se donner ces incontournables en tant que garants adultes.

Merci Tinsel, c'est ce que je pensais faire lundi... et je crois que je vais laisser Minimoi dans son ignorance pour le moment, ça va l'inquiéter suffisamment tôt

Il a quel âge Minimoi?

Moi j'ai fini par en parler à ma pâquerette ce midi. Déjà on en parlait pas mal entre nous, et puis forcément à la télé on voit des trucs (même si on évite quand elle est devant, mais en zappant on passe dessus).

Bien sûr son inquiétude c'est qu'ils viennent ici, nous tuer nous. Je pense que c'est révélateur des inquiétudes des élèves qu'on aura lundi.
Alors quand tu habites Paris c'est terrible. Quand tu habites ailleurs, il faut jouer à fond l'improbabilité que ça se passe chez nous... Enfin c'est ce que je pense.

Tinsel a écrit:Reçu un mail de l'IGEM

igem a écrit:« Rappeler que le Quoi de Neuf est un lieu d'accueil de la parole.
Laisser parler les élèves en faisant attention aux propos déformés, limiter l'intervention dans le temps, quitte à en reparler ensuite dans d'autres circonstances. »
« Être vigilants par rapport aux élèves qui ne disent rien. Profiter de la récréation pour leur parler. »
« Maitre mot, rassurer les élèves, parler des drapeaux en berne, parler de ''fous'' sans rentrer dans des explications car ils se tuent eux mêmes. Qui nous protège? Des militaires des policiers des gendarmes des juges. Il faut se sentir forts et ne pas céder à la peur. »
« Éviter la stigmatisation parler de la solidarité de tous les autres pays et des français. Rappeler qu'il n'y a pas que la France qui a été touchée. »
« Par rapport aux flots d'images dire que l'on n'a pas besoin de décrire les images pour comprendre. Impératif! Ne pas laisser exposer les horreurs des images! »
Libérer la parole mais se donner ces incontournables en tant que garants adultes.

Merci pour le partage de ce texte.

Tinsel a écrit:Il a quel âge Minimoi?

Moi j'ai fini par en parler à ma pâquerette ce midi. Déjà on en parlait pas mal entre nous, et puis forcément à la télé on voit des trucs (même si on évite quand elle est devant, mais en zappant on passe dessus).

Bien sûr son inquiétude c'est qu'ils viennent ici, nous tuer nous. Je pense que c'est révélateur des inquiétudes des élèves qu'on aura lundi.
Alors quand tu habites Paris c'est terrible. Quand tu habites ailleurs, il faut jouer à fond l'improbabilité que ça se passe chez nous... Enfin c'est ce que je pense.

Il a 7 ans mais par rapport à sa sœur de 5 ans ou aux autres de 7 ans il est très très inquiet, il se fabrique des peurs (" hein les zombies (ou monstres) ça n'existe pas" "hein il n'y pas de mygales dans ma chambre" etc...) et tout à fait récemment " est-ce qu'il peut y avoir la guerre ici ?" (ça c'est parce qu'il a participé à la commémoration du 11 novembre avec sa classe.
Je suis tout à fait d'accord avec toi mais il n'a absolument pas eu accès à l'information vu que son père a su l'histoire durant la nuit et me l'a annoncé au réveil... donc ce serait à nous de lui annoncer, et je ne sais pas ce qui serait le moins dur pour lui... quel dilemme

Phi et vous tous qui vivez tout cela de plein fouet, sachez qu'ici, au fin fond de la Bretagne, on pense bien fort à vous (même si je n'ai l'air de penser qu'à ma progéniture mais ça c'est dû à mon désarroi je pense)

Phi, que c'est triste...

Je me suis couchée tôt aussi et je n'ai découvert l'horreur que ce matin.
Je viens de lire le fil et je suis soulagée pour Phi !
Prenez soin de vous !

Phi, je pense bien à toi, et je m'inquiète pour la situation de votre quartier : vous pouvez sortir, faire des courses ?

Et j'ai honte de quelque chose que je ne peux dire qu'à vous. J'ai un neveu qui habite non loin de la rue de Charonne, et une cousine dans la rue de Rikki. Quand j'ai appris les faits, hier matin, de bonne heure, mon cerveau n'a pas fait le lien entre eux et ces événements. Je ne sais pas ce qui s'est passé dans mes défenses psychologiques, elles doivent être très aiguisées, mais je n'ai pas pris conscience tout de suite que c'était là, à deux pas (oui, Rikki, c'est finalement très proche) de chez moi, et pas en Syrie ou en Irak... J'ai mis plusieurs heures à me dire : merde, c'est réel. Et j'ai donc tardé à prendre des nouvelles.

Du coup, pour toi, Phi, qui étais aux premières loges, ce virage a dû avoir lieu au centuple. j'espère que tu es bien soutenue et que tu vas l'être dans les jours qui viennent, ne serait-ce qu'en allant voir un professionnel. Je fais ma psy à 2 euros, mais je crois que c'est un vrai traumatisme que tu as subi, et qu'il faut se méfier des retombées.
C'est pas grand chose, mais on est là pour en parler, si tu as besoin.

Oui le choc arrive après.
C'est seulement ce matin que je réalise que ma fille habite au coeur du quartier des attentats parisiens, qu'elle fréquente très régulièrement comme beaucoup de jeunes du quartier deux des bistrots visés, qu'elle rentre souvent à pied et passe devant le Bataclan à deux pâtés de maisons de chez elle, que ses amis auraient pu y être, que ce sont nos enfants, que c'est notre jeunesse qui a été fauchée.

Comment continuer ? Comment vivre après ça ? Je n'arrive pas à dire "Même pas peur" parce que ...j'ai tellement peur. Pas pour moi. Pour eux, pour tous ces jeunes qui commencent leur vie, qui l'ont devant eux, qui ont besoin de sortir, s'amuser, boire un verre à une terrasse, aller à un concert ou à un match de foot.
Il faut qu'ils continuent à le faire. Et moi, leur mère, car ils sont tous mes enfants, je vais trembler pour eux, en silence.

Moi non plus, je n'arrive pas à dire "même pas peur"...

Profecoles a écrit:
Il faut qu'ils continuent à le faire. Et moi, leur mère, car ils sont tous mes enfants, je vais trembler pour eux, en silence.

C'est exactement ça.
Et chez moi, ça se transforme en une peur de mourir viscérale, uniquement parce que je voudrais être là, toujours, pour veiller sur elles.

En ce moment, j'essaie de dédramatiser avec elles au maximum, par l'ironie. Ce matin j'étais en train de fumer sur la terrasse, et ma fille se lève. Je lui dis que non, je ne faisais pas que fumer, mais que je surveillais s'il n'y avait pas de terroristes aux abords de la maison. Que ça bougeait dans les fourrés, que c'était seulement le chat mais que j'allais le fouiller avant qu'il n'entre.
C'est très con, et ça va peut-être vous choquer, mais c'est mon seul moyen à moi de me détacher de cette peur.

Je ne suis pas moins choqué que vous face à la situation.

Néanmoins, je m'étonne de l'étonnement de certains.

1 - Nous savions que de telles abjections se produiraient, nous savons qu'elles se reproduiront régulièrement.
La seule interrogation qui subsiste, et elle est lourde de conséquences, à quelle fréquence ?
Si nous devons subir l'équivalent d'un ou deux crash aérien par an, c'est sociologiquement supportable.
Si ça devient mensuel voire hebdomadaire, que ferons nous ?

2 - La question entendue trop souvent : "Comment des êtres humains peuvent-ils etc." est soit d'une naïveté extrême, soit d'une mauvaise foi absolue.
A-t-on oublié Oradour (commis aussi par de braves petits français "malgré-nous") ?
Pourquoi se prétendre indemne et refuser d'admettre que nous portons tous en nous les germes de l'ignoble ?
Il existe deux Sade complémentaires et indissociables.
Celui de la Philosophie dans le boudoir m'a éclairé sur les sources de l'oppression et du pouvoir, les mécanismes de la soumission, etc.
L'autre, celui de Justine, m'a provoqué une réelle excitation sexuelle face à l'horreur. Et ce fut salutaire (au sens strict).
Reconnaitre la part d'abîme en soi est l'étape incontournable pour la combattre, tout au moins la surveiller.

D'accord avec vous, Zorglub.

Mufab a écrit:

Profecoles a écrit:
Il faut qu'ils continuent à le faire. Et moi, leur mère, car ils sont tous mes enfants, je vais trembler pour eux, en silence.

C'est exactement ça.
Et chez moi, ça se transforme en une peur de mourir viscérale, uniquement parce que je voudrais être là, toujours, pour veiller sur elles.

En ce moment, j'essaie de dédramatiser avec elles au maximum, par l'ironie. Ce matin j'étais en train de fumer sur la terrasse, et ma fille se lève. Je lui dis que non, je ne faisais pas que fumer, mais que je surveillais s'il n'y avait pas de terroristes aux abords de la maison. Que ça bougeait dans les fourrés, que c'était seulement le chat mais que j'allais le fouiller avant qu'il n'entre.
C'est très con, et ça va peut-être vous choquer, mais c'est mon seul moyen à moi de me détacher de cette peur.

Tu réagis très normalement vu la situation.

Moi, j'arrive à dire "Même pas peur!" parce que je ne suis pas à Paris, parce qu'aucun de mes proches (à part Phi et ses proches) n'a été touché et parce que j'en ai marre d'avoir peur à tout bout de champs.

J'ai la force de dire "Même pas peur!" aussi parce que je ne suis pas maman, je n'ai pas d'enfant à protéger.

J'ai la force de dire "Même pas peur!" car je ne veux pas que les terroristes gagnent sur ce terrain là.

Courage à chacun et chacune. Si vous avez besoin de parler, je suis là pour vous écouter.

Zorglub a écrit:Je ne suis pas moins choqué que vous face à la situation.

Néanmoins, je m'étonne de l'étonnement de certains.

1 - Nous savions que de telles abjections se produiraient, nous savons qu'elles se reproduiront régulièrement.
La seule interrogation qui subsiste, et elle est lourde de conséquences, à quelle fréquence ?
Si nous devons subir l'équivalent d'un ou deux crash aérien par an, c'est sociologiquement supportable.
Si ça devient mensuel voire hebdomadaire, que ferons nous ?

2 - La question entendue trop souvent : "Comment des êtres humains peuvent-ils etc." est soit d'une naïveté extrême, soit d'une mauvaise foi absolue.
A-t-on oublié Oradour (commis aussi par de braves petits français "malgré-nous") ?
Pourquoi se prétendre indemne et refuser d'admettre que nous portons tous en nous les germes de l'ignoble ?
Il existe deux Sade complémentaires et indissociables.
Celui de la Philosophie dans le boudoir m'a éclairé sur les sources de l'oppression et du pouvoir, les mécanismes de la soumission, etc.
L'autre, celui de Justine, m'a provoqué une réelle excitation sexuelle face à l'horreur. Et ce fut salutaire (au sens strict).
Reconnaitre la part d'abîme en soi est l'étape incontournable pour la combattre, tout au moins la surveiller.

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Zorglub a écrit:Je ne suis pas moins choqué que vous face à la situation.

Néanmoins, je m'étonne de l'étonnement de certains.

1 - Nous savions que de telles abjections se produiraient, nous savons qu'elles se reproduiront régulièrement.
La seule interrogation qui subsiste, et elle est lourde de conséquences, à quelle fréquence ?
Si nous devons subir l'équivalent d'un ou deux crash aérien par an, c'est sociologiquement supportable.
Si ça devient mensuel voire hebdomadaire, que ferons nous ?

2 - La question entendue trop souvent : "Comment des êtres humains peuvent-ils etc." est soit d'une naïveté extrême, soit d'une mauvaise foi absolue.
A-t-on oublié Oradour (commis aussi par de braves petits français "malgré-nous") ?
Pourquoi se prétendre indemne et refuser d'admettre que nous portons tous en nous les germes de l'ignoble ?
Il existe deux Sade complémentaires et indissociables.
Celui de la Philosophie dans le boudoir m'a éclairé sur les sources de l'oppression et du pouvoir, les mécanismes de la soumission, etc.
L'autre, celui de Justine, m'a provoqué une réelle excitation sexuelle face à l'horreur. Et ce fut salutaire (au sens strict).
Reconnaitre la part d'abîme en soi est l'étape incontournable pour la combattre, tout au moins la surveiller.

J'ai beau savoir que oui, ils peuvent, et qu'ils ont toujours pu, moi je n'ai toujours pas compris POURQUOI et COMMENT. dans la nuit du 13 on n'a pas arrêté de se la poser en boucle.

Phi, ça va ?

ça va

C'est sans doute très prétentieux, Zorglub, mais je ne me sens absolument pas porter en moi "le germe de l'ignoble". Tout acte de violence gratuit m'est absolument incompréhensible et insupportable. Et je veux croire que je représente la grande majorité de l'humanité. Ce n'est pas parce que l'Histoire passée ou récente a montré le contraire, maintes fois, que le massacre d'innocents se répète, que je dois me sentir coupable, et capable de sombrer dans une folie meurtrière, parce que je suis homme, de la même espèce que les bourreaux.


La seule raison à cela, c'est que j'ai, comme la majorité de mes semblables, une expérience, même fortuite, du bonheur. C'est compliqué à expliquer, mais je crois que seule cette expérience peut sauver. Il existe aussi en chacun de nous une aspiration à la paix, seule capable de maintenir ou de retrouver cette expérience du "bonheur".
Et oui, je me demande alors "comment des êtres humains peuvent-ils..." avoir perdu cette humanité ? C'est pour moi une question clé, et pas naïve du tout : qu'est-ce qui fait que des êtres humains perdent (que ce soit à un niveau collectif ou individuel) à la fois l'empathie et la mémoire du bonheur ?

Je me trompe peut-être sur toute la ligne, je n'en sais rien.

Merci, Muf.

Mufab, lisez Les Bienveillantes de Littel.
Acceptez de faire preuve d'empathie pour Maximilien Aue (qui initialement, le mérite) et vous comprendrez.

Dans le même genre, moins profond et désespérant mais complémentaire, lisez La mort est mon métier (Robert Merle) et mettez-vous en situation, acceptez de vous laisser prendre dans l'engrenage puis tentez de déterminer à quel moment VOUS auriez été capable de tout sacrifier et de dire stop.

Phi a écrit:ça va

Phi, n'hésite pas à dire que ça ne va pas si besoin.
J'admire ton courage et ta force.
Touchée de beaucoup moins près que toi, je ne m'en remets pas. J'ai envie de hurler quand je vois défiler les photos sur Twitter.